Mohamed Ayadi
Hayet Fourati
Mohamed Ali Triki
Chercheurs, Institut de l’Olivier
1.1. Tissu industriel du secteur de l’huile d’olive
En Tunisie, l’olivier à huile contribue à la formation d’un tissu industriel très important assurant la transformation, l’extraction de l’huile de grignons, le raffinage et le conditionnement. Ce tissu comprend approximativement 1723 Huileries, 6 unités d’extraction de l’huile de grignon, 4 unités de raffinage et 50 unités de conditionnement.
Les huileries représentent l’activité la plus importante de l’industrie oléicole en Tunisie avec une capacité de trituration de 44077 tonnes par jour (DGPA, 2012). Trois systèmes d’extraction coexiste actuellement à savoir les huileries traditionnelles, le système super presses et le système continu qui est le plus dominant, représentant 65 % du total de la capacité de trituration.
Les huileries sont réparties sur tout le territoire Tunisien mais à de différentes proportions: 14 % au nord, 46 % au centre et 40 % au sud. Cette concentration des huileries au centre et au sud (soit 86 %) est en étroite relation avec leur part dans la production totale d’olives du pays, soit 83%.
La capacité de trituration varie selon le type d’installation. La variabilité de la répartition des huileries selon les régions est accompagnée aussi par une diversité des systèmes d’extraction et une variabilité de la capacité de trituration d’un gouvernorat à un autre.
1.2. Phases de l’extraction
La transformation des olives et l’extraction de l’huile nécessitent la succession de quatre phases fondamentales :
• tri des olives afin d’éliminer les feuilles et les brindilles puis lavage à l’eau froide,
• broyage des olives qui consiste à briser les parois des cellules et d’en faire sortir les sucs. Il est effectué soit à l’aide d’un broyeur à meules pour le procédé d’extraction classique soit par un broyeur à marteaux pour le système continu à deux ou à trois phases. Le produit de cette phase constitue la pâte (masse broyée) qui passe dans un malaxeur afin de favoriser la séparation de l’huile.
• L’extraction du moût d’huile qui sert à séparer la phase liquide (émulsion eau-huile) de la phase solide. Il existe deux méthodes d’extraction selon le type d’installation : la pression et la décantation.
• La séparation de l’huile de l’eau : au cours de cette étape on sépare les deux phases liquides non miscibles et une grande partie des dépôts. La phase aqueuse résiduelle est formée par les margines. L’huile ainsi produite sera stockée temporairement dans les huileries avant d’être commercialisée.
1.3. Description des procédés d’extraction
Trois systèmes d’extraction de l’huile d’olive sont actuellement utilisés :
– système discontinu de presse et de super presse,
– système continu à deux phases,
– système continu à trois phases.
Les presses à disques sont de deux sortes. Elles peuvent être traditionnelles et dans ce cas la pression s’effectue en deux passages, d’abord par extraction partielle puis par extraction complémentaire (finition). La pâte est placée sur des disques filtrants ou scourtins.
La décantation diffère selon le procédé. Pour le système traditionnel et après la pression, la phase liquide est transposée dans des réservoirs où la décantation se produira naturellement : séparation de la phase huileuse de la phase aqueuse selon la densité.
Pour les huileries modernes, la décantation se fait par centrifugation dans un décanteur. Il s’agit d’un cylindre métallique tournant à grande vitesse (3000 tours/minute) dans lequel les différents composants de la pâte se séparent en fonction de leur densité. L’huile, plus légère que l’eau et les matières solides, se recueille séparément des autres éléments au centre du cylindre.
Le système continu à trois phases génère l’huile, la margine et le grignon alors que le système à deux phases qui est une innovation du précédent sépare l’huile et mélange le grignon et les eaux de végétation en une phase unique sous forme de pâte qui est le grignon humide. Ce procédé consiste en une modification des centrifugeuses horizontales ou décanteurs pour ne produire que deux phases. De plus, ce système fonctionne sans addition d’eau à la masse d’olive.
Les installations déjà citées se différencient non seulement par les caractéristiques techniques mais aussi par la capacité de production, le niveau de mécanisation, l’organisation du travail, le rendement qualitatif et quantitatif ainsi que les coûts de production. Les trois figures ci-dessous expliquent les différents procédés.
Sur le plan industriel, la transformation des olives de table est une activité traditionnellement ancrée dans l’histoire de l’industrie tunisienne mais qui demeure, malgré le nombre élevé des opérateurs, en modeste évolution par rapport à d’autres branches de l’agroalimentaire. Sur le plan commercial, la commercialisation se fait en grande partie dans le marché local en vrac.
En effet et malgré la position géographique avantageuse de la Tunisie et les opportunités offertes sur le marché mondial et local des olives de table en tant que produit fort et apprécié par différentes populations dans le monde (augmentation de la consommation mondiale), le secteur des olives de table reste en deçà de son potentiel réel. .
Le secteur des semi-conserves d’olive de table compte actuellement 26 unités recensées dans le secteur organisé et déclaré par le GICA ayant une capacité de transformation de 11000 t, dont 5 unités sont spécialisées dans la transformation unique des olives de table, les autres sont mixtes (olives, câpres, variantes, harissa, piments, citrons et d’autres préparations), 16 usines sont situées dans le Grand Tunis (Tunis, Ben Arous, Ariana, Manouba…), 5 dans le gouvernorat de Béja, les autres sont réparties entre le Nord, le Cap Bon, Sousse et Djerba. (GICA, 2011).
L’évolution du nombre des unités de conserve des olives de table a été caractérisée par des fluctuations importantes passant de 19 unités en 1991/1992 à 26 unités en 2010/2011.
Le secteur des olives de table est dominé essentiellement par le secteur informel. Ce secteur traite plus de la moitié de la production agricole globale des olives de table et exerce une concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises régulières du secteur. En effet un grand écart est enregistré entre productions des olives de table et quantités transformées par le secteur organisé. Néanmoins cet écart est en régression donnant lieu à une augmentation continue du secteur organisé.
3. Les bonnes pratiques pour une huile d’olive de qualité
L’huile d’olive est un produit naturel qui peut être consommé directement et qui a un gout, une odeur et une saveur caractéristique. L’acidité de l’huile dépend de l’état de la matière première, de la manipulation et des conditions de stockage. Ainsi, la qualité de l’huile dépend des facteurs agronomiques et aussi des facteurs d’élaboration et de conservation.
• Les facteurs agronomiques :
Le choix de la variété dépend énormément des conditions de climat et de sol de la zone de plantation afin de minimiser la sensibilité aux maladies et aux ravageurs. Il est également important que le fruit arrive à la maturité avec un bon état sanitaire aussi l’arbre doit être bien ensoleillé et aéré pour avoir une humidité optimale qui s’oppose au développement des maladies.
• Protection phytosanitaire :
L’obtention d’une huile de qualité dépend beaucoup de l’état sanitaire du fruit. En effet, plusieurs maladies et ravageurs peuvent affecter les olives au cours de la maturation ou dans la lipogenèse. Ces maladies peuvent provoquer également la chute des fruits. L’huile extraite de ces derniers est de qualité inferieure à cause de l’acidité nettement plus élevée. D’autre part, quand les conditions de température et d’humidité sont favorables, les olives chutées dans le sol sont sujettes à des attaques de plusieurs microorganismes fongiques et bactériens dans des conditions de température et d’humidité favorables. En outre, les attaques manifestées par certains ravageurs et maladies provoquent souvent une chute prématurée des olives et aussi des altérations dans le mésocarpe des olives qui affectent la qualité d’huile. D’ailleurs, les blessures occasionnées sur les fruits au moment de la récolte et/ou par les grêles peuvent favoriser l’installation de plusieurs champignons phytopathogènes. D’autres maladies fongiques telles que le dépérissement de l’olivier (V. dahliae) et la maladie de l’œil de paon (Spilocea oliagina) peuvent provoquer un affaiblissement de l’arbre et causer par la suite une chute et un manque de maturité des fruits.
Récolte
Pour avoir des olives de bonne qualité, le choix du moment et la technique de récolte sont de grande importance. En effet, le moment optimal est lorsque l’olive est mure et que toute l’huile est formée. Les meilleures modes de récolte sont à la main ou au peigne pour ne pas provoquer des dégâts sur les fruits. Pendant la récolte il est nécessaire de séparer les olives fraichement cueillies de celles qui se trouvent sur le sol. Il faut également éviter les dégâts lors du transport vers l’huilerie.
Réception des fruits dans l’huilerie et broyage
Dès la réception, la pesée et la classification en fonction des caractéristiques et de l’état sanitaire doivent être faite. Le stockage prolongé détériore le fruit et augmente par conséquent l’acidité de l’huile. Cette acidification est due principalement à l’activité des micro-organismes qui se développent essentiellement dans le fruit altéré. Les micro-organismes les plus actifs sont : Pénicillium sp., Alternaria sp., et Cladosporium sp.,
Résidus de produits chimiques dans l’huile d’olive
Les résidus chimiques sont des substances présentes dans l’huile comestible suite à l’utilisation de substance chimique au cours des traitements contre les ravageurs ou contre les maladies. Généralement, la lutte chimique est utilisée surtout contre la mouche de l’olive Bactrocera oleae.
Le résidu chimique qui persiste dans les olives se quantifie en mg produit chimique par kg végétal. Cette quantité dépend de la dose utilisée, des propriétés chimiques du produit et de son type de formulation, de la nature et la taille de l’organe végétal et des conditions climatiques.
Bonnes pratiques de stockage des olives
Les conditions de stockage des olives à l’huilerie jouent un rôle important dans la détermination de la qualité de l’huile. Le stockage des olives doit donc être réalisé dans de bonnes conditions sanitaires qui sont les suivantes :
• Eviter la récolte des olives dans des conditions humides,
• Les olives ramassées au sol doivent être lavées soigneusement dès que possible,
• Eviter le mélange des olives de distinctes variétés car ils présentant des degrés de maturités différents
• Séparer les olives saines de ceux abimées ou fortement blessées
• Placer les olives dans des caisses car les tissus de la pulpe sont amollis et les cellules riches en huiles sont tellement sensibles aux lacérations et aux compressions de l’ensachage
• Veiller à transporter les olives cueillies dans la journée vers l’huilerie le plus tôt possible afin d’éviter les processus hydrolytiques, lipolytiques ou oxydatifs qui détériorent la qualité de l’huile obtenue favorisés par le tassement et aussi par l’absence d’aération
De ce fait, pour obtenir des huiles de bonne qualité, il est fortement recommander de garantir un entreposage adéquat des olives afin de préserver la qualité organoleptique et aromatique de l’huile obtenue.
De l'olivier à l'huile : un processus maîtrisé