Lynchage médiatique de l’huile d’olive tunisienne en Italie : Maintenant, Basta !
Depuis quelque temps, l’huile d’olive tunisienne fait l’objet d’une campagne médiatique agressive et mensongère dans laquelle la qualité de notre produit national est remise en question.
L’apothéose a été atteinte le 15 mars 2016, pendant l’émission télévisée « Ballarò », qui est passée sur la chaine publique italienne RAI3 à une heure ou des millions de séniors confortablement installés sur leur sofa ont suivi une journaliste qui s’était déplacée jusqu’à une petite huilerie tunisienne, dans la ville de Zaghouan, pour montrer à ses compatriotes les conditions sanitaires et d’hygiène dans une culture intensive ainsi que dans une huilerie tunisienne. Sur le plateau de l’émission étaient présents également M. Salvini président du parti d’extrême droite populiste italien, Lega Nord ainsi que Zefferino Monini PDG d’une grande entreprise familiale d’huile d’olive, la Monini Spa. Pendant les rares instants de l’émission où on l’a laissé parler librement, M. Monini a exprimé sa désapprobation quant à la qualité du travail de la journaliste le qualifiant de superficiel et de partiel. Après l’émission, M. Monini a continué en déclarant : « Les généralisations ne font jamais du bien à la vérité et à la vraie information. L’huile d’olive extra vierge de bonne qualité peut être produite en Italie mais également en Tunisie et la même chose vaut pour celle de mauvaise qualité ». Alors pourquoi cette campagne mensongère qui dure depuis des mois a-t-elle gagné en intensité ces jours-ci ?
Bruxelles, 17 septembre 2015, la commission Européenne vient d’adopter une proposition législative qui autorise un accès temporaire supplémentaire d’huile d’olive en provenance de Tunisie au sein du marché européen afin de soutenir la reprise économique tunisienne en cette période de difficultés. La commission Européenne a proposé de mettre à disposition, jusqu’à la fin 2017, un contingent de 35.000 tonnes par an d’huile d’olive que la Tunisie pourrait exporter vers l’UE et ce, sans taxes douanières, en plus des 56.700 tonnes déjà prévues dans l’accord d’association entre l’UE et la Tunisie, pour un total de 91.700 tonnes annuelles.
« Les circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles. La réponse d’aujourd’hui, est un signal fort de la solidarité de l’UE avec la Tunisie qui peut compter sur notre soutien », avait déclaré Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Cette proposition a ensuite été transmise au parlement Européen pour l’adoption formelle qui a eu lieu durant la séance plénière du 10 mars 2015. Ce quota d’urgence a été adopté par 500 voix pour, 107 contre et 42 abstentions.
Rappelons que les relations commerciales entre l’UE et la Tunisie sont encadrées par l’accord euro-méditerranéen d’association qui a été signé en 1995 et qui prévoit un contingent annuel de 56.700 tonnes d’huile d’olive que la Tunisie a le droit d’exporter vers l’Europe sans surtaxes douanières (1,24 euro/kilo). Cet accord a posé les bases d’une zone de libre-échange avec une libéralisation progressive de l’agriculture.
Bien évidemment, certains producteurs d’huile d’olive européens ont une toute autre perception de la question du quota d’urgence tunisien. En Italie, par exemple, la réaction de la communauté agricole, qui n’a pas caché son «inquiétude», a été la plus vive. Déjà affaiblie par la catastrophique infection bactérienne Xylella fastidiosa qui a frappé les oliveraies de la région de Puglia (Pouilles), la plus importante zone productrice d’huile d’olive du pays et ou environ 800.000 arbres ont été infectés l’année passée, cette communauté voit, maintenant, l’huile « Extra-union » arriver en masse sur son marché.
Une campagne de mobilisation a donc été lancée par l’organisation paysanne Coldiretti. Cette campagne a été renforcée par plusieurs personnalités et partis politiques qui ont joint leur voix au mécontentement. Les médias publics italiens leur ont ensuite emboité le pas pour arriver là où nous sommes aujourd’hui. Une escalade dangereuse. Le parlementaire européen, Salvo Pogliese, a employé le mot « massacre » pendant son intervention devant le parlement Européen pour décrire cet accord. Certains médias parlent d’invasion, d’autres parlent de siège de l’huile d’olive italienne.
David Borelli, parlementaire européen du mouvement Cinque Stelle, a quant à lui souligné dans une déclaration que les grands bénéficiaires de l’accord sont les grands groupes industriels qui achèteront cette huile à un prix très bas (3,2 eurokilo) en comparaison avec le coût de production en Italie qui tourne autour de 5 euros le kilo. Ces grands groupes, se sont fait, très souvent prendre la main dans le sac pour fraude commerciale et faux étiquetage de leurs produits. En effet, comme le souligne un article du New York Times paru le 27 février 2015, les articles en provenance d’Italie avec l’étiquette « made in Italy » ne le sont pas toujours.
Selon l’agence italienne de presse ANSA, l’union européenne consommerait chaque année 1.165.500 tonnes d’huile d’olive parmi lesquelles 1.032.600 tonnes sont produites par des pays de l’union tels que l’Espagne et la Grèce. Le reste, environ 132.800 arrivent de pays extra-UE, comme la Tunisie qui fournira à partir de l’année en cours 91.700 tonnes par an jusqu’en décembre 2017, comme nous l’avions déjà indiqué ; soit 7,8 % de la consommation totale en Europe.
La réponse Tunisienne à cet acharnement médiatique n’est pas arrivée par les voix officielles mais par celle d’associations et de personnages de la vie publique, comme le président de l’association Forza Tounes, Souhail Bayoudh, qui a vivement critiqué la passivité des autorités tunisiennes face à cette affaire et dit vouloir lancer une campagne intitulée « l’huile comme le poisson n’a pas de nationalité » pour contre carrer cette campagne immorale, selon ses dires. Mourad Fradi, président de la chambre de commerce Tuniso-italienne a également réagi sur plusieurs radios et a exhorté le ministre de l’Agriculture à créer une Task force pour communiquer sur l’excellente qualité de huile d’olive en Tunisie et sur sa renommée internationale. Il a également souligné que, très souvent, les médias Italiens sont incapables de décrire la réalité Tunisienne, « c’est à croire qu’ils parlent d’un autre pays » a-t-il martelé. En effet, en regardant l’émission « Ballaro » du 15 mars 2016, il parait dangereux de consommer de l’huile d’olive en provenance de Tunisie. Cette huile extra vierge a obtenu plusieurs médailles d’or au concours international de l’huile d’olive extra vierge organisé par l’Association japonaise des sommeliers de l’huile d’olive (OSAJ) lors du salon Foodex qui a eu lieu du 6 au 9 mars 2012 à Tokyo.
Ces deux dernières années, la Tunisie est devenue le premier exportateur mondial d’huile d’olive. Après une saison 2014/2015 exceptionnelle, la Tunisie prévoit, pour 2015/2016, une nette régression de la production d’huile d’olive pouvant atteindre 60%. La cueillette des olives pour la nouvelle saison a atteint un taux d’avancement évalué à 40%, indique le ministère de l’Agriculture, dans son communiqué du 4 janvier 2016. Les prévisions tablent sur une production d’environ 150.000 tonnes d’huile d’olive, contre 340.000 lors de la saison 2014/2015.
Une régression qui se fera sentir sur l’économie du pays, déjà mise à mal par : le terrorisme, la production de phosphate à l’arrêt, par un tourisme en réanimation et maintenant encore par cette guerre des mots qui gagne en intensité et qui a pris une tournure politique chez nos amis italiens.
Aujourd’hui, un baril de pétrole contient 159 litres et coute 42 dollars. Le même baril rempli d’huile d’olive vaudrait 622 dollars sur le marché international. Nous avons la chance de cultiver ce produit de grande qualité, il suffirait de savoir le mettre en valeur. Du 13 au 15 Avril 2016 aura lieu le salon international de l’alimentation à Montréal (SIAL) puis viendra le (SIAL) de Paris, la Tunisie ne peut pas se permettre d’être visiteur au cours de cette manifestation. Elle se doit d’être bien présente et actrice.
« Avec amertume, nous constatons encore une fois l’occasion manquée du service public Italien d’offrir un cadre objectif, dans le but d’informer sans alarmer et sans fabriquer de superficielles et inutiles guerre saintes contre tout ce qui n’est pas cent pour cent « made in Italy », même s’il est clair que les olives produites en Italie ne pourront guère satisfaire notre demande interne » a déclaré Zefferino Monini. C’est cette opportunité qui doit être saisie par la Tunisie pour tenter de sauver les meubles d’une économie nationale paralysée.
Sofiene Ahres