Salah SELMI
Institut National de Nutrition et de Technologie Alimentaire
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I- L’huile d’olive, source d’antioxydants et de bons acides gras
L’huile d’olive possède une composition nutritionnelle équilibrée en acides gras et en triglycérides (98 % du poids total). L’abondance de l’acide oléique (C18:1 n-9), est une caractéristique qui définit l’huile d’olive en dehors des autres huiles végétales. L’acide oléique représente 56 à 84 % des acides gras de l’huile d’olive (Rossell, 2001), tandis que l’acide linoléique (C18:2 n-6) représente 3 à 21 %, (Sébastien. 2010 ; Visioli et al., 1998).
Les composants mineurs, représentent environ 1 à 2 % du poids total de l’huile, notamment, plus de 230 composés chimiques. Il s’agit essentiellement (par ordre d’importance): du squalène, des alcools triterpéniques, des stérols, des phénols, et des dérivés du tocophérol. (Servili et al., 2002). La présence des composés phénoliques et d’autres antioxydants particuliers confèrent à l’huile d’olive une haute stabilité contre l’oxydation avec une couleur et une saveur unique la distinguant des autres huiles.
Les carotènes et les composés phénoliques sont considérés les principaux antioxydants de l’huile d’olive (Boskou, 1996). Les tocophérols (phénols lipophiles) peuvent être retrouvés dans les huiles d’autres légumes, tandis que certains phénols hydrophiles tel l’hydroxytyrosol sont les caractéristiques de l’huile d’olive (Boskou, 1996 ; Shahidi, 1997).
1- Acides gras, triacylglycérols, et glycérides partiels
Les acides gras qui composent les triglycérides de l’huile d’olive varient, et en partie ils dépendent de
la région de provenance de l’huile d’olive. Les analyses effectuées de la composition dans les
laboratoires de l’INNTA révèlent que les teneurs en acides gras sont conformes à ceux proposées
par le Conseil Oléicole International COI.
TYPES D’ACIDES GRAS |
LIMITES |
Acide palmitique |
7.5 – 20 % |
Acide palmitoléique |
0.3 – 3.5 % |
Acide stéarique |
0.5 – 5.0 % |
Acide oléique |
55 – 83 % |
Acide linolénique |
3.5 – 21 % |
Acide α-linolénique |
0.0 – 1.5 % |
L’acide gras majoritaire est l’acide oléique qui représente à lui seul près de 66% des acides gras. Les acides gras poly-insaturés représentent une fraction non négligeable de l’huile et sont ajoritairement composés d’acide linoléique (≈14%).
Tableau 1 : composition moyenne en acide gras de quelques huiles végétales consommées en Tunisie (INNTA 2012).
Dans l’huile d’olive on trouve de l’acide linoléique (oméga 6) et de l’acide alpha-linolénique (oméga 3).
Ces acides gras sont dits « essentiels » car ils ne peuvent pas être synthétisés par l’homme et doivent donc être apportés par l’alimentation.
2. Les polyphénols de l’huile d’olive
L’huile d’olive contient des composés phénoliques simples et complexes qui augmentent sa stabilité et lui confèrent des propriétés antioxydantes et modulent sa saveur.
Actuellement, plusieurs composés phénoliques contenus dans l’huile d’olive, principalement l’hydroxytyrosol et ses dérivés, sont sujets de recherches approfondies dans le but d’établir une relation entre les apports alimentaires et le risque de plusieurs maladies telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Une forte teneur en composés phénoliques semble constituer un attrait nutritionnel et donc pourrait favoriser une variété d’olive plutôt qu’une autre.
3. Tocophérols
Les tocophérols sont reconnus par leur double action bénéfique. En effet ils ont tout d’abord l’atout d’être une vitamine (vitamine E) et ils ont également une forte activité antioxidante. La teneur totale en tocophérols dans les huiles d’olive est très variable puisqu’elle a été reportée dans une gamme allant de quelques mg à 450 mg/kg d’huile (Grigoriadou, 2007 ; Boskou, 2006).
Les taux actuellement constatés sont beaucoup plus élevés que la valeur moyenne de 100 mg/kg affectée à l’huile d’olive dans le passé (Belitz et al., 2004).
L’alpha-tocophérol est la forme la plus active, elle représente à lui seul 90% de la totalité des tocophérols, mais on trouve également un peu de beta et gamma tocophérols, alors que le delta tocophérol n’est présent qu’à l’état de traces (Psomiadou, 2000).
Les niveaux d’α-tocophérol peuvent être liés à la quantité élevée de pigments de chlorophylle et à son activité concomitante contre les radicaux oxygénés (Grammes et Eskins, 1972).
4. Hydrocarbures
Deux hydrocarbures sont présents en quantités importantes dans l’huile d’olive, le squalène et le ß-carotène. Le squalène est le métabolite précédant la formation du noyau des stérols. Sa présence est considérée comme partiellement responsable des effets bénéfiques de l’huile d’olive sur la santé et de son action chimio-préventive contre certains cancers (Rao et al., 1998, Smith et al., 1998).
Il est le constituant majeur de la fraction insaponifiable de l’huile d’olive et représente plus de 90 % des hydrocarbures. Sa concentration varie de 200 à 7500 mg par kg d’huile (Perrin, 1992).
Cette quantité dépend du cultivar, de la méthode d’extraction de l’huile et du processus de raffinage (Lanzón et al., 1994 ; De Leonardis et al., 1998; Manzi et al., 1998).
5. Pigments
La couleur de l’huile d’olive est le résultat des teintes vertes et jaunes en raison de la présence de chlorophylles et de caroténoïdes, respectivement. Elle est influencée par le cultivar d’olive, l’indice de maturation, la zone de production, le système d’extraction et les conditions de stockage.
Par conséquent, la couleur est considérée comme un indice de qualité malheureusement, des méthodes standardisées pour sa mesure n’existent pas à ce jour.
II- Effets de l’huile d’olive sur la santé
La source principale de la matière grasse dans le régime méditerranéen est dérivée d’un seul composant alimentaire, à savoir l’huile d’olive, ce qui signifie que l’alimentation est pauvre en graisses saturées et riche en acides gras mono et polyinsaturés, en particulier, en acide oléique. Les propriétés protectrices de l’huile d’olive sur système cardio-vasculaire ont été, jusqu’à une date récente, exclusivement reportées à sa teneur élevée en acide oléique. En effet, la supplémentation en AGMI conduit à une résistance accrue des LDL à l’oxydation entraînant ainsi la baisse de l’un des facteurs de risque de maladie coronarienne (Witztum et Steinberg, 2001).
Un remplacement isocalorique de 5% de l’apport énergétique des acides gras saturés par des acides gras mono-insaturés peut réduire de 20 à 40% les risques de maladies cardiovasculaires (Kris-Etherton, 1999).
Il est également intéressant de noter que plusieurs huiles de graines obtenues par sélection génétique (le tournesol, le soja et les huiles de colza) sont aujourd’hui riches en acides gras monoinsaturés mais dépourvues de composés phénoliques. Ces huiles non pas le même effet que celui de l’huile d’olive sur la réduction du cholestérol et des lipoprotéines de faible densité (Owen et al., 2000 ; Gunstone, 2004).
Aucun aliment ou son extrait ne peut remplacer la combinaison des nutriments naturels trouvés dans le régime méditerranéen. Cependant, les olives et les huiles d’olives offrent de nombreux et uniques effets sur la santé.
1. Maladies cardiovasculaires MCV
Les recherches les plus robustes sur l’huile d’olive ont été effectuées sur son effet sur les maladies cardiovasculaires, la principale cause de décès dans le monde.
• Réduction du LDL (mauvais cholestérol)
• Effets bénéfiques sur la pression sanguine, le métabolisme du glucose, l’inflammation et le stress
oxidatif.
• La substitution des acides gras saturés par des acides gras monoinsaturés et polyinsturés réduit le mauvais cholesterol LDL dans le sang sans abaisser le taux de bon cholestérol HDL.
• Les phénols et les tocophérols ralentissent l’oxydation des LDL dans la paroi artérielle par blocage de l’action des radicaux libres.
• La Communauté « Eurosciences » recommande comme suit les sources d’énergies équilibrées pour
la protection des maladies cardivasculaires.
Matière grasse totale ne dépasse pas les 30% de la source d’énergie et elle est répartie
AGMI 15% (huile d’olive)
AGPI <8% (AGPI oméga 3, poisson exp. le maquereau, les sardines et le saumon)
AGS <10% (graisses animales, les matières grasses laitières, huile de palme…)
2. Le Syndrome Métabolique et le Diabète
Le syndrome métabolique et le diabète sont également des facteurs de risque de MCV, et le régime alimentaire peut réduire l’incidence de ces deux derniers (Giugliano D et al. 2011 ; Perez-Martinez P, 2011).
Une méga-analyse de 50 études et 534 906 personnes fournit des preuves significatives de l’effet positif d’un RM riche en huile d’olive. L’étude a révélé que le régime alimentaire (RM) non seulement réduit les taux de syndrome métabolique, il a également réduit l’ensemble de ses composants individuels: le tour de taille, pression artérielle, glycémie, cholestérol HDL et de triglycérides (Kastorini CM et al. 2011).
Selon une méga-étude de 13.380 diplômés universitaires espagnols, un régime alimentaire traditionnel méditerranéen à été associé à une significative (0.005) réduction de 83% du risque de développer un diabète de type 2 (Martinez-Gonzalez MA et al. 2008). L’acide oléique peut également influer sur la sensation de satiété et aide à réduire les apports alimentaires.
3. Le cancer
L’acide oléique a été jugée particulièrement efficace contre le cancer du sein, du côlon et les cellules cancéreuses de la prostate. Manger à la façon méditerranéenne pourrait prévenir jusqu’à 25%, 15%, 10% du cancer du côlon, du sein et de la prostate respectivement (La Vecchia C. 2004).
L’oxydation des protéines, d’ADN et des lipides contribue au développement du cancer, les antioxydants de l’huile d’olive peuvent offrir des chimioprotecteurs. (Visioli F et al. 2004). Les recherches sur l’huile d’olive et de ses composants ont également mis en évidence la capacité inhibitrice de la prolifération et de promouvoir l’apoptose dans plusieurs lignées cellulaires de tumeurs par des mécanismes divers.
III- Utilisation des huiles végétales
Chaque huile possède des particularités qui lui confèrent un intérêt nutritionnel. Ces particularités concernent la composition, le degré de résistance à la température et son accommodation au mode culinaire.
Mode culinaire
- Crue : meilleur moyen de profiter des bienfaits de l’huile d’olive (vitamines et antioxydants). L’huile crue est consommée au petit déjeuner ou utilisée en assaisonnement. La choisir selon le goût.
- Cuite : le choix dépendra du mode de cuisson.
Chaleur moyenne
En sauce ou au four : utiliser des petites quantités d’huile mélangées avec un peu d’eau pour la protéger de l’action de la chaleur.
Chaleur élevée
- Friture : ce mode de cuisson doit être utilisé le moins fréquemment possible. Essayez de ne
pas dépasser les 180°C.
Préférez les huiles plus stables à la chaleur : huile de maïs, huile de tournesol et huile de graine.
Références
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L’huile d’olive et la santé